À la demande de la Revue Française de Généalogie, je me suis penché sur l’historique des grandes pandémies qui ont marqué notre histoire, en se demandant si elles présentaient des ressemblances avec l’épidémie de coronavirus que nous connaissons.
Pour ce faire, j’ai retenu la grande peste noire qui a déferlé sur la France de 1348 à 1352, l’épidémie de cholera morbus des années 1830 et la grippe espagnole de 1918. Trois fléaux ayant provoqué de terribles taux de mortalité : la première, avec 7 millions de morts en France (soit plus de 40% des quelque 17 millions de Français d’alors), la deuxième 100 000 (0,3% de la population) et la dernière 408 000 (1%) mais 50 à 100 millions au niveau planétaire, qui la rend donc plus ravageuse encore que ne l’avait été la guerre !
Je les ai toutes les trois étudiées, tant quant à leur propagation, que quant à leur origine et aux moyens de lutte qu’on leur a opposés et ai obtenu des réponses m’offrant des similitudes pour le moins troublantes.
Au plan de leur propagation : rien que de très logique, du fait de la lenteur des déplacements et des communications. En 1347, la peste, débarquée en septembre à Marseille, mit 11 mois pour gagner Paris et y être attestée en août. 500 ans plus tard, le choléra passera deux fois plus vite de Berlin à Paris. Par contre, en 1918, la grippe dite « espagnole », pour avoir touché d’abord l’Espagne, avec une première vague non mortelle, arrivée mi-septembre aux États-Unis touchera la France vers le 15 octobre et se répandra ensuite de façon fulgurante, pour toucher toutes les armées combattantes et les populations civiles.
Au plan de leurs origines : curieusement, ces trois pandémies sont originaires d’Asie, dont deux de Chine, et la première – de façon plus ahurissante encore – de la province du Hubei, dont la capitale est aujourd’hui… Wuhan ! Apparue en 1334, lors des guerres en Chinois et Mongols, elle sera amenée en Europe par des marins génois et avait d’abord contaminé l’Italie… Exactement le même cheminement donc, que le Covid-19 de 2020…
La grippe espagnole était de son côté originaire de la ville chinoise de Canton, et si le cheminement choléra morbus est connu depuis l’Inde, rien ne dit qu’il n’ait pu y arriver lui aussi de plus à l’Est…
Passons maintenant au plan des réactions, avec d’abord la panique et le manque de moyens des médecins. Au XIXème et XXème siècles, les gouvernements s’organisent. En 1831, on essaie d’identifier les premiers cas et l’on décide des quarantaines, en prenant des mesures de confinements (des malades, des corbillards et des croque-morts…). Des contrôles sanitaires aux frontières sont mis en place sur ordre du président du Conseil, Casimir Périer, qui sera lui-même, quelques mois plus tard, une des victimes les plus célèbres de l’épidémie. En octobre 1918, on voit la municipalité de Caen, comme beaucoup d’autres, décider la fermeture des salles de spectacles et interdire les réunions. Un peu partout, écoles et lycées sont fermés et le nombre des cérémonies religieuses est réduit.
Depuis le XIVème siècle enfin, le masque est la grande constante. Masque qui se double de toute une panoplie protectrice et en 1918, alors que dans les hôpitaux, les grippés sont isolés par des draps encerclant leur lit, les poinçonneurs des autobus parisiens refusent de laisser monter les passagers ne portant pas de masque. Parallèlement, on utilise de l’huile phéniquée en pulvérisations nasales ou buccale, tout en se lavant régulièrement les mains et la bouche après les soins. Et tout me monde se goinfre de gousses d’ail, réputé garantir contre la contagion.
Enfin, face à ces « maux répandant la terreur, maux que le ciel en sa fureur »… lire la suite chez La Fontaine, on multipliait au Moyen âge, pour calmer la colère de Dieu, les processions à saint Sébastien, protecteur des pestiférés. Face au choléra du XIXème siècle, un témoin note que « la population de Prades, effrayée, a eu recours à ses reliques ; une procession a eu lieu ; les hommes y figuraient en grand nombre, presque tous avec des flambeaux ».
Autres temps, autres pandémies, autres mœurs ? Une question à débattre.